Lorsque Street Fighter Alpha est apparu en 1995, la surprise fut réelle. Capcom venait de terminer ses cycles sur CPS‑1, la borne qui avait porté Street Fighter II au sommet. Pourtant, au lieu de passer directement à la nouvelle plateforme CPS‑2, la firme d’Osaka a commandé un opus sur l’ancien matériel. La raison officielle n’était pas un hommage, mais un simple souhait : écouler les stocks restants de CPS‑1.
Cette stratégie un peu inattendue a été révélée par Hideaki Itsuno, alors débutant chez Capcom. Il explique que ce jeu n’avait pas vocation à révolutionner le marché, mais à épuiser les cartouches CPS‑1. Le chantier a débuté en décembre 1994, sans concepteur principal ni producteur dédié. Six mois plus tard, en mai 1995, le premier prototype était prêt pour réception. Une prouesse pour un produit conçu dans un cadre improvisé et presque informel.
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ToggleUne production sauvage et improvisée
Le projet s’est déroulé dans un contexte inhabituel : aucune vraie planification, une équipe jeune ou encore autonome, convaincue qu’elle créait plus un prototype qu’un produit phare. Capcom, absorbée par Street Fighter III et son passage à CPS‑2, ne portait que peu d’attention aux ventes potentielles d’Alpha.
Cette absence de pression commerciale a libéré la créativité. Malgré le matériel limité, certains éléments innovants ont vu le jour : animations plus fluides, nouveaux coups, gestion du temps entre deux rounds. Tous ces aspects reflètent un pari audacieux : faire plus avec moins, en mode survie.
Une volonté d’accessibilité inattendue
À l’inverse de l’élitisme de Street Fighter II, Alpha proposait un gameplay plus accessible, inspiré par la montée des jeux SNK. L’idée n’était pas seulement d’écouler des stocks, mais d’élargir l’audience et d’attirer un public moins expérimenté. Cette orientation coïncidait avec l’arrivée de créateurs plus jeunes, prêts à penser différemment.
Itsuno raconte avoir été recruté pour ce projet alors qu’il jouait à King of Fighters ’94 pendant sa pause déjeuner. Le fait qu’un novateur puisse intervenir autant sur un jeu d’arcade démontre le caractère ouvert et peu conventionnel de ce développement express.
Un succès inattendu devenu incontournable
Malgré son caractère “bouche‑trou”, cet opus a surpris par son accueil. Strip‑downs techniques compensées par un gameplay soigné, des graphismes travaillés pour une borne en fin de cycle, tout indique une ambition cachée : créer un produit de qualité pour séduire même sans y mettre les moyens alloués.
La réussite d’Alpha a été couronnée par son portage sur CPS‑2. Une version enrichie, avec des visuels améliorés, une bande‑son retravaillée, et des effets sonores plus puissants. Ce glacier imprévu dans les plans de Capcom démontre que ce projet improvisé a fini par dépasser les objectifs initiaux.
Un héritage surprenant et durable
La naissance de Street Fighter Alpha témoigne d’une époque où l’industrie était prête à expérimenter, même lorsque la motivation première restait utilitaire. La création motivée par un besoin industriel a engendré un véritable classique, capable de rivaliser avec ses prédécesseurs.
Capcom a ainsi profité de l’occasion pour poser les bases d’une nouvelle génération de jeux, plus accessibles, explorant un style visuel plus épuré et une formule de combat plus fluide. Alpha a marqué un tournant dans l’histoire de la franchise, tout en restant un hommage discret à la CPS‑1.